Les problèmes mis en avant
Par définition, les médecines alternatives s’opposent à la médecine conventionnelle ; prétendant s’affranchir aussi de toutes démarches scientifiques de validation, car non démontrable de façon objective. Ces pratiques, reposant sur des savoir-faire ancestraux, se référant à des lois naturelles méconnues ou oubliées, fonctionnent néanmoins au cas par cas, dépendant du savoir du praticien. Elles échappent à la rationalité scientifique, qui est donc incapable de les évaluer (Discours tenu par les adhérants et les patients des médecines alternatives).
Ce qu’il faut démontrer
Il faut prouver que les médecines alternatives et tous leurs bienfaits associés ne sont pas dus à l’effet Placebo, dont les effets sont scientifiquement prouvés. La question à se poser est si la guérison notée chez certains patients est la cause de la perception des nombreux facteurs liés à l’intervention thérapeutique (relation avec le praticien, qualité du traitement perçu et proposé,…) plutôt qu’à l’effet du traitement en lui-même ? La question se veut importante car l’effet Placebo peut rien qu’à lui seul améliorer, voire dans certains cas guérir, un malade.
L’effet Placebo
L’effet Placebo est un effet que tout le monde expérimente sans le savoir. Son principe est simple : c’est un phénomène qui veut qu’un composé inerte (c'est-à-dire sans principe actif), parvienne à engendrer une amélioration thérapeutique chez un patient par un mécanisme psychologique et/ou physiologique. Ou bien qu’un médicament ait plus d’effet que prévu, voire même un acte chirurgical factice. Le plus souvent associé à un médicament, l’effet Placebo peut se produire après n’importe quelle prise en charge thérapeutique. Globalement. D’un point de vue pratique, c’est la part de guérison attribuée à la seule perception consciente (ou non) par le patient de nombreux facteurs liés à l’intervention thérapeutique (relation médecin/patient, positivité ou négativité du diagnostic établi, qualité du traitement proposé,…). L’effet Placebo est à caractère vacillant, on ne peut pas prévoir sa venue ni son efficacité. Cependant, cet effet peut être accentué par les conditions matérielles de prise en charge (par exemple, les seringues sont plus persuasives que les gélules). Des études ont même démontré que les médecins chaleureux avec leurs patients engendrent un effet plus puissant.
Son principe :
L’effet Placebo a prouvé son efficacité, mais son explication reste floue. Il repose notamment sur l’hypothèse neurobiochimique : l’action des endorphines. Cette théorie repose sur trois principes :
· La théorie du conditionnement Pavlovien
· Théorie de la suggestion
· Théorie de la dissonance cognitive

Théorie du Conditionnement Pavlovien:
C’est un processus selon lequel un individu va associer une réponse « programmée », qui est déclenchée normalement par un stimulus « conditionné » à un stimulus dit « non conditionné », ce qui signifie une stimulation neutre qui ne déclenche aucune réaction. Dans son expérience, Pavlov sonnait une cloche à chaque fois qu’il servait de la nourriture à son chien. Puis, il sonna la cloche en ne servant aucune pitance à son chien. Ce dernier saliva quand même. Ce conditionnement associatif est pourtant présent dans nos vies. C’est l’une des premières explications de l’effet Placebo. Selon cette théorie, le cerveau associe donc, lors de la consommation d’un médicament, le geste « prendre un cachet » à la conséquence « aller mieux ». Ainsi, une fois l’association faite, répéter ce geste déclenche une réaction physiologique de mieux-être. Le cerveau produit donc de façon automatique la réponse « aller mieux » à la suite du stimulus « prendre un cachet ».

Théorie de la suggestion:
La perception extérieure comporte une part de réalité, mais englobe aussi une part d’interprétation faite par le cerveau, ce que nous montrent nos sens. Toutefois, le cerveau est incapable de faire instantanément la distinction entre une représentation mentale qui concorde avec la réalité et une représentation mentale qui n’est qu’une illusion. Notre comportement n’est donc pas ajusté à la réalité en soi, mais aux représentations mentales que nous en avons. Nous agissons en fonction de ce que nous attendons. C’est pourquoi, notre comportement, parfois, est la cause de la conséquence attendue. L’influence de ces représentations mentales peut intervenir au-delà du comportement et ainsi agir sur le métabolisme du corps. Ce mécanisme est dit de « suggestion » ou « d’autosuggestion ». Son principe repose sur la méthode Coué qui consiste à répéter une phrase positive jusqu’à ce que l’on ne puisse plus distinguer la part du réel et la part d’invention. Ainsi répéter « je vais guérir » provoque une diminution du stress et un gain de confiance en soi. Une expérience sur les réactions allergiques donne une preuve à ce phénomène : un homme a subi un choc anaphylactique à la vue de roses artificielles. Les roses n’étant pas la cause, cette réaction serait due à la représentation mentale du choc anaphylactique. La théorie du conditionnement et celle de la suggestion ne sont pas opposées, mais bien complémentaires. Mais il est difficile de faire la différence entre conditionnement et suggestion. En effet, si la prise d’un médicament dans le cadre du conditionnement conduit à la guérison du patient, ça suppose qu’il fait l’association « Je prends un cachet, je vais guérir ». Le conditionnement ne dépend pas de la pensée et de la raison puisqu’il s’agit d’un phénomène mécanique. Quant à la suggestion, elle repose sur ces faits.
Théorie de la dissonance cognitive:
Cette théorie provient du chercheur Festinger (1957). Il définit la dissonance cognitive comme : « un état de tension désagréable dû à la présence simultanée de deux cognitions (idées, opinions, comportements) psychologiquement contradictoires ».
Expérience de Cohen : Une violente intervention policière dans un campus a été réprimée par les étudiants. Cohen leur explique alors que, pour une étude, il recueille des arguments favorables à cette intervention car il possède suffisamment d’arguments favorables. Si les étudiants participent, ils recevront une rémunération hebdomadaire, mais elle n’est pas la même pour tout le monde. Cohen émet l’hypothèse que les étudiants ayant reçu une forte somme d’argent ne sont pas dans une vraie situation de dissonance car ils auront le sentiment de faire ce travail pour de l’argent mais les autres individus ayant reçu une faible somme ne sont pas motivés par celle-ci mais par l’engagement contracté avec l’expérimentateur: ils sont en dissonance ; c’est-à-dire que leur opinion contre l’opération policière contredit dans leur esprit les arguments trouvés en faveur de l’intervention. Le seul moyen pour eux de réduire cette dissonance est de croire d’avantage à l’intérêt de la tâche, à plus s’investir dans le rôle demandé. Cette réduction de dissonance amène les individus à changer d’opinion quant à l’intervention. Cohen vérifie cette hypothèse grâce à un questionnaire donné aux étudiants. Pour conclure, pour changer d’attitude, pas besoin de fortes rémunérations, mais seulement d’un désaccord entre l’idée et le fait : ce qu’on appelle la dissonance cognitive.
Il semblerait que plus un traitement soit cher et douloureux, plus l’effet Placebo est efficace. Une personne qui s’investit dans un traitement cher et douloureux et qui ne ressent pas d’effets bénéfiques est en dissonance cognitive. Cet individu refuse d’accepter que cet investissement personnel soit totalement inutile et inefficace. Il recherchera alors en elle des signes qu’elle va effectivement mieux, afin de faire cesser cette dissonance. Si c’est une pathologie qui possède une part de psychologie, pour ne pas être en dissonance, la personne peut guérir d’elle-même, ce qui montre que les représentations mentales influencent sur le métabolisme.
Comme la coexistence d’une douleur et d’un traitement est contraire à la raison, et comme le sujet ne peut pas supprimer le traitement, il en vient à supprimer la douleur : troisième fondement de l’effet Placebo.
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Hypothèse Neurobiochimique
L’effet Placebo produit des molécules très concrètes, qui activent les mêmes zones que celles activées par les médicaments correspondants. Un Placebo analgésique (qui supprime ou atténue la douleur) déclenche ainsi la production d’opioïdes (dérivés synthétiques de l’opium ; stimulent directement ou indirectement les récepteurs opiacés du système nerveux) dont l’action est similaire à celle de la morphine. Souvent conscient, cet effet met en jeu le cortex préfrontal, où s’élabore l’attente d’un bénéfice thérapeutique. Mais il peut moduler des processus inconscients, comme la production d’hormones ou la réponse immunitaire.
Bien que la cause réelle de l’effet Placebo n’ait pas encore été scientifiquement démontrée, de nombreuses recherches ont été menées dans le but de découvrir ses mécanismes. A la suite de plusieurs résultats, les scientifiques s’accordent sur l’hypothèse de la sécrétion d’endorphines.
A la fin des années 70, le médecin John Levine soulageait la douleur due à une extraction dentaire, soit par de la morphine soit par un placebo. En administrant à ses patients un produit bloquant l’action des endorphines, il a constaté que ce produit, la naloxone (produit ayant les capacités d’antidote [antipoison] contre les opiacés [substance contenant de l’opium ou ses dérivées] : empêche la morphine et autres molécules d’opiacés d’agir), annulait les effets du placebo. Ainsi, le rôle des endorphines dans l’effet Placebo est indirectement démontré.
Les endorphines
Les endorphines sont des hormones sécrétées par des glandes cérébrales, l'hypophyse et l'hypothalamus, et qui sont présentes dans de nombreux organes dont le cerveau et la moelle épinière notamment. Ces hormones ont des effets proches de la morphine, utilisée en guise de médicament antalgique (qui calme la douleur). Elles sont émises dans des moments d'effort physique, d'excitation intense, de douleur, ou d'orgasme. L'endorphine a, tout comme la morphine, des propriétés de diminution des douleurs en se fixant sur les récepteurs morphiniques (qui réagissent à la morphine) situés dans le thalamus au niveau des centres régissant la douleur. Les endorphines provoquent une sensation de bien-être, de relaxation.
Il s’agit de neuromédiateurs, des polypeptides (chaine de plusieurs acides aminés) qui régulent l’intensité des messages nerveux au niveau des synapses grâce à leur pouvoir inhibiteur. Ces neuromédiateurs peuvent passer dans la circulation générale pour atteindre les neurones ciblés. Même si leur action se concentre surtout dans l’encéphale (région du cerveau qui contient une partie du système nerveux central et qui contrôle l’ensemble de l’organisme), on peut trouver des récepteurs d’endorphine dans la peau, les intestins et le cœur.
Pour mieux comprendre :
Le cerveau humain est un organe très complexe. Les scientifiques ne connaissent pas encore tous ses secrets. Il est partagé en plusieurs « régions ».
L’hypophyse (ou glande pituitaire) est une glande endocrine (qui sécrète des hormones dans la circulation sanguine). Elle produit des hormones qui gèrent une large gamme des fonctions corporelles dont les hormones trophiques qui stimulent les autres glandes endocrines. Cette glande est reliée à une autre partie du cerveau : l’hypothalamus. Sa fonction la plus importante est de réaliser la liaison entre le système nerveux et le système endocrinien (ensemble des organes qui possèdent une fonction de sécrétion d’hormones) par le biais de l’hypophyse.
Le cerveau est constitué d’une multitude de neurones reliés entre eux. La communication entre les neurones se fait par le biais de neuromédiateurs (ou neurotransmetteurs). Ce sont des molécules chimiques qui assurent la transmission des messages d’un neurone à l’autre.
La transmission de ces messages se fait au niveau des « bras » des neurones, que l’on nomme axone. Le neurone qui envoie le message est dit « pré synaptique » et celui qui le reçoit « post synaptique ». Les neuromédiateurs voyagent dans la partie que l’on appelle « la fente synaptidique ». Ils sont contenus dans les vésicules du premier neurone et sont libérés par « exocytose » (rejetés de la cellule). Ces neuromédiateurs sont ensuite réceptionnés par les récepteurs (à canaux ioniques) situés sur le neurone post synaptique. Le message est ainsi transmis de neurones en neurones. Ce complexe (schéma ci-contre) s’appelle un synapse.
Leurs actions
L’endorphine, comme ses dérivés et les substances proches dans leur action de la morphine, est un antidépresseur. C’est une substance qui a pour effet de diminuer l’activité cérébrale et la perception de l’environnement qui entoure le sujet, et ainsi sa perception de la douleur. On distingue deux mécanismes liés à leur action :
Une action analgésique : La première zone d’action des endorphines est le thalamus. Il s’agit d’un centre intégrateur du système nerveux qui joue le rôle de relais entre l’organisme et le cortex cérébral*, le centre décisionnel de l’encéphale. Des neurones de toutes les parties de l’organisme se rejoignent au niveau du thalamus. C’est au niveau de ces zones que les endorphines agissent.
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Les messages nerveux (comme celui de la douleur) cheminent sous forme d’activité électrique à travers l’axone jusqu’à la synapse. Au bout des axones, dans les zones appelées « bouton terminal », les messages électriques sont traduits sous forme chimique et provoque l’exocytose. Des molécules du neurone pré-synaptiques libèrent leur contenu dans le milieu synaptique : des neurotransmetteurs. Ces substances se combinent à des récepteurs post-synaptiques et les messages de la douleur continuent leur chemin vers le cortex cérébral après avoir été retraduits en messages électriques. Mais avec l’endorphine, le passage de la synapse diffère : les endorphines viennent se fixer sur les récepteurs à neuromédiateurs du neurone post-synaptique et ouvrent le passage de ce récepteur.
Les anions chlorures, présents naturellement dans la fente synaptique, s’engouffrent dans le canal ouvert par les endorphines dans le neurone post-synaptique. Le chlore, chargé négativement, rend le neurone moins excitable. Le neurone est dit « hyper-polarisé » et est inhibé (qui empêche ou ralentit une action). L’intensité du message nerveux est alors diminué, et l’individu ressent moins de douleur.
Pour se rapprocher de l’effet Placebo, on peut supposer que le fait de prendre un médicament amène l’esprit à agir sur le corps. Plus précisément sur l’hypothalamus* pour accélérer la production d’endorphines. Ces endorphines diminuent l’intensité de la douleur en agissant sur les neurones arrivant au centre intégrateur du thalamus. L’individu ressentira un « mieux être ». Ce qui montre le pouvoir de l’esprit sur le corps.
Une action dopaminergique : Le cerveau possède un système appelé « système dopaminergique » qui a pour but de « récompenser » le corps des exécutions des fonctions vitales par une sensation agréable. Ce système, aussi appelé « circuit de la récompense », est formé de plusieurs régions du cerveau interconnectées, notamment le noyau accumbens et l’air tegumental ventral (ATV). Ce système est activé par la dopamine.
La dopamine (C8H11NO2), aussi appelée communément « l’hormone du plaisir », est un neurotransmetteur qui, dans le système nerveux central, active les récepteurs dopaminergiques post synaptiques. Cette neuro hormone (message chimique produit par un neurone et qui agit comme une hormone) est produite principalement dans la substance noire et l’ATV correspond à un stimulus de satisfaction. La dopamine joue un rôle majeur dans les problèmes d’addiction : problème de drogue (héroïne), jeux d’argent,…



Les images ci-dessus montrent deux synapses consécutives au niveau de l’ATV. Le premier neurone (inter neurone au GABA) est spécifique de l’ATV. Le neurone central est dit dopaminergique, c'est à dire qu'il est capable de sécréter de la dopamine. Le dernier neurone quant à lui est capable de réagir à la présence de dopamine (première image). Ici, c’est l’héroïne qui est utilisée car elle peut être associée aux endorphines (deuxième image). La molécule béta-endorphine se fixe sur le récepteur aux opiacés du premier neurone. Celui-ci sécrète une faible dose de neurotransmetteur GABA. Le canal au chlore du neurone post synaptique ne s’ouvre que peu de temps. Le neurone sera faiblement polarisé et donc excité. Il sécrète alors beaucoup de dopamine qui suite à ça, donnera une sensation de bien-être (troisième image).
Si l’effet Placebo produit un gain de confiance, une hausse du moral et une satisfaction générale, on peut penser qu’il existe une interaction de ce type avec le « circuit de la récompense ». Le stimulus de satisfaction envoyé par l’esprit, persuadé de recevoir un médicament, est alors à l’origine d’une importante production de dopamine. La hausse du nombre de neurotransmetteur est associée à l’amélioration de l’état du patient.
En conclusion sur l’effet Placebo :
La manifestation biologique de l’effet placebo reste hypothétique. L’essentiel de son fonctionnement est encore inconnu malgré le progrès scientifique. Mais certaines de ces disciplines ont mis en évidence l’implication des endorphines.
Le rôle de ces neuromédiateurs est d’abord d’inhiber les messages nerveux de douleur au niveau du thalamus, un centre intégrateur de l’encéphale. L’autre action des endorphines se situe au niveau du « circuit de la récompense ». La présence de neuromédiateurs va alors stimuler la sécrétion de dopamine. Ce neurotransmetteur assure la communication entre les cellules et les neurones et est à l’origine des sensations de plaisir.
Pour revenir sur les médecines alternatives :
La médecine conventionnelle repose sur des principes, des protocoles, qui ont subi de nombreuses recherches scientifiques et démontré leurs vertus thérapeutiques. Or, les médecines alternatives sont parfois dépourvues de ces recherches et leurs efficacités sont parfois remises en question. Pour espérer leur association, il faut que ces « traitements traditionnels » fassent leurs preuves auprès de la science. L’argument principal contre ces médecines est l’action du corps sur l’esprit : avec l’effet Placebo, on compte aussi la méditation, « le neurofeedback » .Des essais cliniques ont débuté pour certaines d’entre elles pour démontrer que leurs vertus ne sont pas uniquement dues à l’action de l’esprit sur le corps…
Alors que la science actuelle peine à expliquer l'origine du phénomène homéopathique, on peut, dans une certaine mesure, qualifier l’homéopathie de médecine Placebo.
Dans l’homéopathie, on utilise des produits issus de plantes qui subissent des dilutions infinitésimales, méthode qui consiste à diluer un grand nombre de fois une substance à l’origine dite active.
A partir de la 9ème dilution centésimale, aucun moyen connu ne permet de différencier un granule imprégné –réputé actif- d’un granule non imprégné !
D’où la qualification de médecine Placebo, puisqu' elle utilise un produit répondant parfaitement à la définition stricte du mot Placebo : « ne contenant aucune substance active ».

